Si vous avez déjà parlé avec un jeune enfant au téléphone, cette situation vous est certainement arrivée :

Il peut nous sembler incompréhensible que Max dise « ça » comme si on allait comprendre de quoi il parlait. Mais en réalité, c’est tout à fait normal. C’est parce que Max n’a pas encore complètement acquis la théorie de l’esprit.
Au début de la vie, chaque humain est égocentrique. Pour un enfant, tout tourne autour de lui ; il est le centre de son univers. Pourquoi ? Pour de multiple raisons mais principalement parce qu’il n’a pas encore acquis la théorie de l’esprit.
Et qu’est-ce que c’est cette théorie de l’esprit ? C’est la capacité à se mettre à la place de l’autre. C’est quand on comprend que les autres ont des croyances, envies, intentions et perspectives qui peuvent être différentes des nôtres. C’est donc d’être capable d’attribuer des pensées (inobservables) à l’autre. Par exemple, vous entrez dans un magasin avec votre amie et très rapidement, vous vous perdez de vue. Pour la retrouvez, vous pouvez tenter de vous mettre à sa place : où serait-elle ? Mais vous pouvez également appréhender qu’elle se mettra à votre place : où pense-t-elle que je serai ? Tout ça relève de la cognition. La théorie de l’esprit, c’est donc un processus cognitif : le cerveau est capable de se représenter quelque chose.
Mais revenons aux enfants. Une vieille étude de Jean Piaget (un psychologue suisse) a démontré l’égocentrisme des enfants au travers une tâche toute simple. Imaginez (ou regardez l’image ci-dessous) une petite fille de 3 ans assise devant une maquette avec des montagnes et des maisons. De l’autre côté de la table, il y a sa poupée préférée. Quand on lui demande de nous décrire ce qu’elle voit, elle y arrive sans problème. Mais quand on lui demande de nous décrire ce que sa poupée voit, c’est différent. Elle nous répondra que la poupée voit la même chose qu’elle, même si elle est assise de l’autre côté de la table.

Dans cet exemple, l’enfant n’arrive pas à se détacher de sa propre perspective et à se mettre à la place de l’autre. Elle pense que tout le monde voit ce qu’elle voit.
Continuons avec un autre exemple : le test de Sally-Anne. On présente l’histoire suivante à l’enfant :
- Sally a un panier et Anne a une boîte.
- Sally met une balle dans son panier et quitte la pièce.
- Anne prend la balle et la met dans sa boite.
- Sally revient.
🡪 Où est-ce que Sally ira chercher sa balle ?

En tant qu’adulte, la réponse vous semble certainement évidente : Sally ne sait pas que la balle à changer de place, elle ira donc chercher sa balle dans le panier. Mais pour un enfant, ce n’est pas si évident.
Vers 3 ans, les enfants ont tendance à répondre selon leur propre connaissance. Leur réponse sera : Sally ira chercher la balle dans la boîte. La théorie de l’esprit n’est pas encore totalement acquise, c’est pourquoi l’enfant n’a pas conscience qu’il détient des informations que Sally n’a pas.
À partir de 5 ans, les enfants arrivent à se détacher de leur propre point de vue en se mettant à la place de Sally. Ils comprennent que leur compréhension de la situation est différente de celle de Sally : ils savent que la balle est dans la boîte mais que Sally, elle, croit que la balle est encore dans le panier.
La théorie de l’esprit est complètement acquise vers l’âge de 7 ans. Mais cela n’empêche pas que les enfants commencent à montrer plusieurs signes d’acquisition bien avant, généralement vers l’âge de 5 ans. C’est progressivement qu’ils arrivent à différencier leur perspective de celle des autres.
L’acquisition de la théorie de l’esprit donne à l’enfant les outils nécessaires pour interagir avec son entourage. Cela l’amène à comprendre : le mensonge, l’ironie, le malentendu, la complexité émotionnelle, etc.